mardi 29 décembre 2009

Un long fil sur ActuSF

Le fil à tirer les paquebots

Tout est parti de la réaction de Serge Lehman, contre une mauvaise interprétation par Roland C Wagner sur son blog de la notion de « métaphysique » et de son assimilation contestable faite par Serge Lehman dans sa préface à Retour sur l'horizon, à celle du « sense of wonder » qui est une des caractéristiques de la science-fiction. Serge a lancé un fil pour défendre sa thèse (rebaptisée hypothèse, mais comme il la considère comme prouvée par les conséquences qu'il en tire et à partir desquelles, par un cercle logique vicieux, il prétend la démontrer) selon laquelle le rejet systématique de la métaphysique par certain esprit cartésien (dois-je rappeler que j'emploie ce terme pour désigner le refus de tout doute et de toute analyse face aux évidences du « bon sens » et de la tradition sorbonnarde, contre lesquels Descartes n'a eu raison qu'hors de France) et académique serait dû essentiellement à la présence de réflexions métaphysiques, alias sens du merveilleux.
Je n'ai pas lu toutes les pages du fil, mais je ne peux m'empêcher de rester convaincu
de ce que, si Roland a émis des critiques inadaptées à l'idée de Serge Lehman, cette idée ne me convainct pas ;
de ce que la « démonstration » par Lehman tient, exclusivement, à l'étalage de nombreux exemples non exhaustifs et à l'affirmation du principe d'autorité « j'ai trente ans de réflexion derrière ma thèse, elle ne peut pas être fausse » ;
de ce qu'à côté de faits réels, par exemple la présence de réflexions métaphysiques plus ou moins voyantes dans une partie des oeuvres de SF (mais, comme je l'ai fait remarquer, les critiques de la SF savent reconnaître et apprécier la métaphysique dans des oeuvres de littgen, où elle n'est pas moins présente qu'en SF), prétendre que c'est cette présence éventuelle qui serait le motif caché du rejet de la SF par l'establishment littéraire, que les motifs déjà connus ne suffiraient pas à expliquer, me paraît faux.
Là dessus, le fil a divergé dans plusieurs directions, dont la recherche de définitions de la SF qui expliqueraient son déni. J'ai plusieurs fois exposé différents points, en particulier l'existence de SFs multiples et variées.
Au sens strict, à mes yeux, la SF est un mouvement artistique qui s'est constitué aux États-Unis sous l'impulsion de Hugo Gernsback et de sa revue Amazing stories, puis des autres pulps et des idées mises en avant dans Astounding stories par Jack Campbell. Que le lancement d'un tel mouvement ait été tenté en France en 1913 par Maurice Renard, puis ait échoué, en partie à cause de la guerre, en partie aussi parce que Renard prétendait s'adresser aux auteurs confirmés et établis, alors que Gernsback, 13 ans plus tard, s'adressait aux lecteurs et aux auteurs potentiels et non aux critiques, et que, si les bases du mouvement existaient en France, en Angleterre, en Allemagne, en Russie,... depuis au moins cinquante ans, le mouvement ne s'est structuré dans tous les pays où il existe désormais qu'autour des bases américaines (pulps, conventions, fandom,...).
Que dans tous les pays (cela vaut même pour les États-Unis), coexistent avec la SF sous étiquette, collections, rayons de librairies, ... un certain nombre d'oeuvres écrites sans référence explicite au mouvement et qui en présentent certains aspects et pas certains autres; doit-on les appeler oeuvres de SF? ou de proto-SF quand il s'agit d'oeuvres antérieures à 1926 aux USA, à 1950 ailleurs? Ça peut faire l'objet d'une discussion.
Que la SF (avec ou sans étiquette) regroupe des oeuvres à visée purement récréative, des histoires d'aventure (spatiale, exotique, etc...), destinées au public dit « populaire », et d'autres oeuvres à visée de réflexion spéculative, voire de création littéraire, destinées à un public plus restreint. Le déni dont le fil s'occupe n'a certainement pas le même sens pour les deux catégories d'oeuvres; d'ailleurs, les anti-SF font semblant de ne voir que les oeuvres de première actégorie pour mieux rejeter les autres...

À suivre; je n'ai pas encore commenté les interventions, assez justes, mais AMA inparfaites, de Gérard Klein. J'essayerai d'en rappeler l'essentiel, et sur quels points je diverge, moins qu'avec Serge ou Roland, avec son opinion.

1 commentaire:

Georges a dit…

Reçu ailleurs, et ma réaction:
[quote="Roland C. Wagner"]Georges, tu fais chier. 8)

J'ai lu ton blog et, non, je ne suis pas d'accord, je n'ai pas fait une "mauvaise" interprétation de la préface de Lehman. Face à un texte incohérent et pas vraiment compréhensible, j'ai pointé ce qui me paraissait être des points de départ de dérives pas vraiment claires. Et, au bout de 280 et quelques pages, je pense avoir eu raison parce que :

1) La réaction disproportionnée de Lehman montre bien que j'ai touché un point sensible.

2) La subite apparition dans l'une de ses interventions du nom de [b]Gurdjieff[/b], et ce, sans aucune précaution oratoire, confirme la dérive de Lehman vers l'hétéroclitisme.

3) Sa "thèse" ne tient pas debout, comme tu t'en es rendu compte, et tu n'es pas le seul.

Mon objectif n'était pas d'analyser mais de [b]railler[/b], parce qu'il n'y avait de mon point de vue rien d'autre à faire face à une telle accumulation confuse d'éléments disparates qui ne démontraient rien.

Bon réveillon à toi,

R.[/quote]
Tu aurais pu mettre ce commentaire sur mon blog, cela aurait permis d'y discuter. C'est vrai que la réaction de Serge a mis en évidence les incohérences de sa thèse et, plus encore, une façon contestable de se placer comme LE SAVANT face à l'interlocuteur ignare.Si le but n'était que de flanquer un pavé dans une mare qui pouvait se développer dans un mauvais sens, bravo. Ceci étant, si j'ai commencé un commentaire sur mon propre blog, c'est parce que, à côté des dérives possibles de la thèse de Serge, dont le fil a permis la discussion, le fil a aussi provoqué quelques réflexions sur ce qu'est (ou plutôt que sont) la(les) Science-Fiction(s), réflexions qui me feront réagir dans les posts suivants.
Bon réveillon à vous aussi, et bon atterrissage sur la planète 2010.